Rigidité

Qu’est-ce que la rigidité

Damien est chef de projet au sein d’une grande entreprise. Il aime aller au bout de ses projets et c’est une qualité qui lui est reconnue. En même temps, il est assez rigide et fait tout pour que la réalité entre dans son planning. Ce comportement engendre des tensions avec ses collaborateurs et il en souffre. Cette qualité d’organisation engendre aussi des problèmes relationnels avec ses proches. Il souhaiterait se libérer de cette rigidité, tout en gardant ses qualités organisationnelles.

 

Ici, la rigidité est définie comme la volonté de faire entrer la réalité dans un cadre donné, sans prêter attention aux autres.

 

D’où vient cette rigidité ?

Les parents de Damien ne savaient pas vraiment gérer leurs émotions. Soit ils utilisaient la force pour imposer leur point de vue, soit ils cachaient leur colère. Certaines de leurs émotions avaient été interdites dans le passé par leurs parents (grands-parents de Damien). Dans ce contexte, Damien ressentait un nombre important d’émotions interdites. C’est comme si, pour chaque émotion interdite par ses parents, il y avait une force pour mettre le couvercle. Ce qui empêchait ses parents de les vivre. Chaque émotion correspond à un enfant réprimé. En tant qu’, Damien ressent tous les enfants réprimés de ses parents, ainsi que l’agitation de ses derniers. Et en même temps, il ressent la force qu’est le couvercle posé par ses parents sur leurs propres émotions, leurs propres enfants réprimés.

Dans cette agitation émotionnelle cachée, car inconsciente, ceci engendre une instabilité pour Damien qui doit se construire. Son inconscient met en place une structure pour avoir  des repères et une stabilité. Ainsi que pour avoir la nourriture affective nécessaire à son développement et survivre dans ce contexte. Sans cette structure, il serait mort (Voir l’expérience de Frédéric II). L’inconscient de Damien a enregistré que certaines émotions n’ont pas lieu d’être et que la force permet d’éviter de ressentir l’agitation de ces émotions (ses enfants réprimés).

 

Nous pouvons voir avec l’histoire de Damien que la rigidité est un schéma inconscient de survie dans un contexte agité et perçu comme instable par l’enfant. Ce schéma inconscient vise à établir une structure permettant d’avoir des repères pour avoir une stabilité, ainsi que la nourriture affective nécessaire à la survie. Ce schéma inconscient est ce que j’appelle un enfant protecteur. Sans ce dernier, Damien n’aurait pas pu survivre dans ce contexte et il aurait pu mourir. Et en cas de survie, il n’aurait pas pu se construire une identité et aurait été en hôpital psychiatrique. Dans le contexte d’insécurité émotionnelle dans lequel Damien a grandi, l’enfant protecteur « rigide » a bien fait son job.

 

À la lumière de ses explications, Damien prend conscience de l’insécurité émotionnelle à l’origine de sa rigidité. Il comprend que sans elle, il n’aurait pas pu être qui il est aujourd’hui. Il voit que c’est grâce à sa rigidité qu’il a développé une identité et ses qualités d’organisation. En même temps, il voit bien qu’il perçoit sa rigidité comme « mauvaise ».

 

Pourquoi la rigidité est jugée comme « mauvaise » ?

La rigidité de manière imagée :

Damien est au-dessus d’une forêt et il est en train de tomber. Pour ne pas s’écraser sur le sol, il fait tout pour s’accrocher aux branches et amortir sa chute. Cette force qu’il utilise pour s’accrocher aux branches et éviter de mourir est la rigidité. Cette dernière lui a permis d’avoir des points d’accroches (points de repère).

 

La rigidité n’est ni bien ni mal. Elle est adaptée dans un contexte, mais pas obligatoirement dans un autre.

La rigidité est perçue comme « mauvaise », car il y a une confusion entre l’usage de la rigidité et la rigidité.

Sans un certain niveau de rigidité, il n’y aurait pas de structure identitaire. Il n’y aurait pas de limite entre moi et l’autre, entre l’intérieur et l’extérieur. L’accès à la rigidité est nécessaire pour avoir accès à ses propres repères, à sa propre autorité.

Inversement, un excès de rigidité ne tient pas compte de la limite identitaire. Il y a une tentative de changer l’extérieur pour qu’il soit conforme à l’intérieur. Il n’y a pas de vision claire de l’identité de l’autre, il est perçu comme un moyen d’arriver à un objectif. Si je ne vois pas l’identité de l’autre, je ne peux pas voir mon identité. Je suis donc dans la toute-puissance infantile.

 

Damien réalise qu’il ne jugeait pas la rigidité, mais son usage. Il comprend qu’il ne peut pas y avoir une règle absolue pour l’usage de la rigidité, mais qu’il s’agit de cas par cas. Qu’il doit mettre de la clarté sur son intention, quand il utilise la rigidité !

 

Pourquoi y a-t-il un excès de rigidité ?

L’excès de rigidité est le reflet d’une insécurité. Il s’agit d’une stratégie inconscience établie dans l’enfance avec un cerveau immature. C’est-à-dire que le cerveau n’avait pas les moyens de mettre en œuvre des stratégies complexes. Il a donc mis en place une stratégie simple (blanc ou noir) qui consiste à toujours rester dans son connu, afin d’être sécurisé. Quitte à changer l’extérieur pour que ce dernier corresponde à mon connu. Et l’inconscient continue d’exécuter sa stratégie pour assurer la survie.

 

Damien prend conscience qu’à travers l’organisation, il cherche à contrôler l’extérieur pour se sécuriser. Il cherche à éviter les émotions qui ont été interdites dans son enfance. Et que, lorsqu’il souhaite tout organiser, sans qu’il y ait de demande, la rigidité devient du pouvoir sur l’autre. Il souhaiterait savoir comment se libérer de cet usage de la rigidité.

 

Comment se libérer du mauvais usage de la rigidité

En prenant conscience que la rigidité est un allié

Comme nous l’avons vu avec l’histoire de Damien, la rigidité est un enfant protecteur qui lui a permis d’être en vie et d’avoir une identité. C’est comme les fondations sur lequel repose un escalier. Arrivé à la 10e marche, Damien regarde en bas et juge la rigidité. Sans se rendre compte que sans cette fondation, il n’aurait pas pu construire cet escalier. Sans la rigidité, il n’aurait pas pu construire son identité. Il n’aurait pas pu être qui il est actuellement.

La rigidité est ce que j’appelle un enfant protecteur. Son rôle étant d’assurer notre survie, un peu comme un architecte, il a construit un bunker. Ceci a été réalisé dans un contexte insécurisé, perçu comme un climat de guerre pour l’inconscient. Ce bunker était donc approprié.

Maintenant que nous sommes adultes, nous avons plus de moyens qu’à l’époque de la construction du bunker. Nous ne sommes plus totalement dépendants de nos parents. Nous disposons d’un cerveau mature.

Le bunker n’est pas le plus adapté à notre situation. Nous pouvons remercier notre enfant protecteur pour la construction de ce bunker, car il a assuré notre survie. Et en même temps, nous pouvons lui expliquer qu’actuellement, nous avons plus de moyens. Que la guerre est terminée maintenant.

En lui expliquant que nous allons continuer à travailler ensemble. Il aura toujours sa fonction d’architecte. Je vais lui donner de nouveaux projets. Je lui demande de me construire une belle maison lumineuse avec de belles baies vitrées. Avec tout le confort.

 

(Pour aller plus loin dans la pacification d’un enfant protecteur, lire l’article « En quoi le juge intérieur est un enfant protecteur« )

 

En se reconnectant à ses émotions

L’objet est de ressentir les émotions dans le corps, et les intégrer au fur et à mesure. Il y a différents niveaux d’intensité dans les émotions. C’est un peu comme un escalier, quand je suis à l’aise avec une intensité d’émotion, je peux m’entrainer avec le niveau du dessus.

Au fur et à mesure, j’intègre des émotions de plus en plus intenses. Et je peux être en présence de ces émotions, sans perdre mon centre.

Je préconise de commencer par les émotions jugées agréables. Ceci permet d’enregistrer au niveau inconscient que ressentir les émotions n’est pas obligatoirement désagréable.

Ensuite, après au moins une semaine d’entrainement plusieurs fois par jour, je peux passer à une émotion désagréable, avec une faible intensité. Je continue à m’entrainer avec ce niveau d’intensité, jusqu’à ce que je sois à l’aise.

Puis, j’augmente au fur et à mesure le degré d’intensité.

C’est comme les couches d’un oignon. Pour arriver au centre, il faut enlever chaque couche une par une. Ainsi, je serai à l’aise avec des émotions de forte intensité. Je serai en sécurité et donc l’excès de rigidité aura moins lieu d’être.

 

Damien décide de s’entraîner pendant une semaine à ressentir dans le corps les émotions qu’il juge agréables. Il fera le point à la fin de la semaine pour voir s’il continue ou s’il passe à des émotions désagréables de faible intensité.

 

 

L’identité est la rigidité en constante évolution.

 

Sébastien Thomelin – Accompagnant de l’être

 

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