Qu’est-ce que la tristesse ?
Françoise est secrétaire au sein d’une grande entreprise de plomberie. Les personnes qui travaillent avec elle ne lui accordent pas de valeur. Elle se sent comme un larbin qui doit exécuter des tâches pour satisfaire le bon vouloir de ses collègues. Françoise souhaiterait être reconnue. Et aussi qu’il y ait une ambiance plus conviviale avec ses collègues. Cette situation la rend triste.
Ici, la tristesse est définie comme une émotion de repli sur soi face à une situation qui ne se déroule pas comme je le souhaiterais.
D’où vient la souffrance liée à la tristesse ?
Les 4 émotions principales
La tristesse fait partie des 4 émotions de base définies selon les travaux d’Henri Laborit :
- La Joie
- La Peur
- La colère
- La tristesse
La joie est l’émotion que le cerveau tend à reproduire constamment.
La peur, la colère, la tristesse font partie du cycle émotionnel qui permet l’élargissement de notre zone de connu et l’apprentissage de la réalité qui m’entoure.
Le processus émotionnel
Pour illustrer le processus émotionnel, je vais prendre l’exemple du chat et de la souris :
La souris est en train de manger du fromage. Elle vit une émotion de joie.
Le chat arrive, la souris a peur, ce qui engendre un comportement de fuite.
La souris se retrouve acculée contre le mur, dans un instinct de survie elle est en colère et elle cherche à lutter.
La souris voit qu’elle ne pourra pas gagner ce combat et décide de faire la mort (Tristesse/Repli sur soi).
La joie est naturelle et c’est l’émotion de base et le cerveau cherche à toujours revenir à cet état.
Et lorsqu’il y a un danger, le processus émotionnel déroule les 3 émotions suivantes dans l’ordre :
- Peur: Cherche à fuir la situation pour revenir au connu, à la sécurité
- Colère: Cherche à changer la situation pour revenir au connu à la sécurité
- Tristesse : Quand elle est traversée, l’inconscient intègre que ce qui était inconnu n’est pas mortel. Donc cet inconnu devient connu.
Pour illustrer ce processus émotionnel, je vais prendre l’exemple d’un enfant qui arrive en crèche pour la première fois.
Maxime arrive dans la crèche pour la première fois. C’est un environnement inconnu. Pour l’inconscience, c’est un danger de mort, car l’inconnu est synonyme d’insécurité. Maxime a peur et veut revenir au connu en cherchant à fuir. Or, les portes sont fermées. Il se met en colère et lutte pour revenir dans la situation connue. Après un moment de lutte, Maxime se met à pleurer et il vit sa tristesse. Une fois l’émotion de tristesse traversée, l’inconscient voit que cet inconnu n’est pas dangereux. L’inconscient enregistre cet endroit comme sécurisé et connu.
Dans cet exemple, nous pouvons voir que la tristesse est la dernière étape du processus émotionnel. C’est la dernière étape d’un processus d’apprentissage, qui permet d’intégrer le nouveau dans la zone de connu et de sécurité.
À la lumière de ses explications, Françoise comprend que sa tristesse vient d’une situation qui est inconnu pour son inconscient. Ce qui fait qui fait que cette situation est perçue comme insécurisée. Elle réalise que le fait de vouloir éviter la tristesse l’empêche d’intégrer une nouvelle information dans sa zone de connu et de sécurité. Ce qui génère une tension.
Blocage de l’émotion de tristesse par l’inconscient
Lorsque Françoise était enfant, ses parents ne supportaient pas de la voir triste. Ils culpabilisaient de cette situation, car ils pensaient que si Françoise était triste, c’était qu’ils n’avaient pas réussi à assurer son bien-être. Ils pensaient qu’ils étaient de mauvais parents ! Cette culpabilité était si forte, que ses parents pouvaient réagir de manière virulente, afin de stopper Françoise dans son émotion. L’inconscient de Françoise a enregistré que l’émotion de tristesse était interdit pour avoir l’amour de ses parents. Et sans nourriture affective, un enfant meurt (Voir l’expérience de Frédéric II).
Comme nous pouvons le voir avec l’histoire de Françoise, la culpabilité des parents était si forte qu’ils ne pouvaient pas la supporter. Ce qui engendrait des réactions virulentes pour arrêter l’émotion de tristesse.
Cette culpabilité vient d’une croyance que l’enfant doit toujours vivre la joie. Or, vu que l’enfant découvre le monde, il va devoir faire face à l’inconnu. Et passer par le cycle émotionnel pour intégrer le nouveau. Sans tristesse, l’enfant ne peut pas évoluer. Il s’agit d’accompagner l’enfant dans ses émotions et non les bloquer.
L’émotion de tristesse est le signe que je suis en train d’intégrer quelque chose de nouveau. De construire de nouveaux repères.
Françoise réalise qu’elle jugeait l’émotion de tristesse négativement. Elle pensait qu’elle ne devait pas vivre cette émotion. Françoise comprend qu’il s’agit d’un conditionnement qui vient de la peur de ses parents. Elle prend conscience que le juge intérieur qui interdit la tristesse est un enfant protecteur inconscient qui répète l’interdit de ses parents. Françoise voit que la tristesse est nécessaire pour intégrer le nouveau et interagir avec son environnement. Sans la tristesse, elle resterait bloquée au stade du bébé. Le fait de lutter contre la tristesse lui a couté beaucoup d’énergie et a ralenti son processus d’apprentissage.
Pourquoi la tristesse est la clé d’accès à la joie ?
Comme nous avons pu le voir avec l’histoire de Françoise, l’inconscient bloque la tristesse pour avoir la nourriture affective nécessaire à son développement. Et comme avant 7 ans le cerveau est immature, l’inconscient ne peut pas voir que bloquer la tristesse, c’est bloquer le processus d’apprentissage et donc son développement.
L’Inconscient bloque l’accès à l’intégration du nouveau, à l’élargissement de la zone du connu et de sécurité. Pour le dire autrement, l’inconscient bloque le développement pour assurer le développement. Il bloque l’élargissement du connu pour rester dans le connu.
Si mon connu est limité, ma sécurité est limitée. Pour ma sécurité, l’inconscient réduit ma zone de sécurité. Il se tire une balle dans le pied J
L’inconscient bloque la tristesse pour vivre la joie et en bloquant la tristesse, il empêche de clore le cycle émotionnel. Ce qui bloque l’accès à la joie qui est l’état naturel une fois que le cycle émotionnel est clos. Autrement dit, l’inconscient me bloque dans la tristesse pour vivre la joie !
Françoise réalise que vouloir éviter la tristesse, c’est resté bloqué dans le cycle émotionnel au niveau de la tristesse. Ce qui empêche de clore le cycle et d’accéder à la joie. Elle comprend que vivre la tristesse est la clé d’accès à la joie. Et en même temps, elle sent que malgré cette compréhension, elle n’arrive pas à vivre ses émotions de tristesse. Elle souhaiterait savoir comment faire.
Comment vivre les émotions de tristesse ?
Prendre conscience des vertus de la tristesse
Pour vivre l’émotion de tristesse, je dois prendre conscience que je suis en train d’intégrer quelque chose de nouveau. Je peux vivre la tristesse quand je l’associe à l’expansion de mon être.
Pour ça, je peux me poser la question suivante :
- Qu’est-ce je trouve anormal, injuste, inacceptable ?
Cette question me permet de voir ce que je refuse de la réalité. Et prendre conscience de ce que je suis en train d’intégrer.
Françoise prend conscience qu’elle refuse que ses collègues ne la considèrent pas. Elle réalise que c’est la réalité, leur mode de fonctionnement et qu’en elle il y a une part qui dit « La réalité se trompe, mon imaginaire à raison ! ». Elle réalise que ses collègues ont le droit d’être comme ils sont et qu’elle peut agir face à cette réalité :
- En demandant à ce qu’on communique avec elle d’une manière qui lui convient
- En quittant ce poste
- …
Françoise voit que la tristesse signale qu’il y a un écart entre son idéal et la réalité.
Prendre conscience de la rapidité d’une émotion
Une émotion dure en moyenne 7 secondes, sauf si elle est bloquée par l’inconscient ! Ce qui veut dire qu’une émotion ne dure pas longtemps, mais que c’est le blocage de cette émotion qui fait que ça dure longtemps.
En prenant conscience que l’émotion en tant que telle ne dure pas longtemps, je débranche la peur de l’émotion qui est à l’origine de la tension et de la durée. Je peux ressentir une sensation me traverser sans chercher à la bloquer, à mettre de mots …
(Pour aller plus loin dans les techniques, vous êtes libre de lire les articles : Comment lâcher prise ? et Comment se libérer des émotions désagréables ?)
Françoise prend conscience qu’elle avait peur d’être prise dans une tristesse qui dure des heures. Elle s’aperçoit qu’une émotion est assez courte et que c’est sa peur que l’émotion dure longtemps qui engendre une résistance. Et rends le vécu de l’émotion plus long et plus inconfortable qu’elle ne l’est vraiment !
Sans tristesse, il n’y a aucune expansion de l’être possible. La tristesse est la clé d’accès à la joie et de l’expansion l’être !
Sébastien Thomelin – Accompagnant de l’être